Un copropriétaire peut-il demander l'annulation d'une résolution adoptée à l'unanimité par l'assemblée générale des copropriétaires au motif que celle-ci n'était pas été inscrite à l'ordre du jour?
La réponse est oui : La résolution adoptée à l’unanimité reste contestable dès lors qu’elle n’a pas été inscrite à l’ordre du jour, peu importe que les copropriétaires contestant cette résolution soient ni opposants ni défaillants car représentés par leur mandataire. (Cass. 3ème civ. 8 sept. 2016, n°15-23422, publié au bulletin).
(Mots clés : copropriété - assemblée générale – annulation – résolution - vote - copropriétaires opposants ou défaillants – ordre du jour – convocation – mandat – pouvoir )
La 3ème Chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 8 septembre 2016 vient rappeler, s’il en était besoin, les conditions de recevabilité d’une action en contestation d’une décision d’assemblée générale.
En l’espèce, des copropriétaires avaient donné mandat pour être représentés lors de l’assemblée générale des copropriétaires.
A cette occasion, leur mandataire avait voté favorablement à une résolution adoptée à l’unanimité qui n’était cependant pas inscrite à l’ordre du jour.
Les copropriétaires ont assigné le syndicat des copropriétaires pour faire déclarer non écrite cette résolution et subsidiairement obtenir son annulation.
La Cour d’appel (CA PARIS du 27 mai 2015, Pôle 4, Chambre 2, n°13/12388) les a déboutés de leur demande, sur le fondement de l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965, considérant que dès lors que leur mandataire avait voté en faveur de cette résolution adoptée à l’unanimité, ils étaient irrecevables à la contester, l'action prévue par l'article 42 n’étant ouverte qu’aux propriétaires défaillants ou opposants. La Cour précisait que peu importait que le vote ait porté sur une question ne figurant pas à l'ordre du jour ou que le copropriétaire ait émis antérieurement des réserves, et ajoutait que le dépassement ou le détournement de mandat ne relevait que des rapports entre le copropriétaire et son mandataire et ne pouvait avoir pour effet de vicier le sens du vote émis par le mandataire ayant outrepassé ou méconnu son mandat exprès.
C’était sans compter la vigilance de la Cour de cassation qui rappelle que faute de décision contestable, les conditions posées par l’article 42 ne trouvent plus à s’appliquer.
Pour mémoire, l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965 dispose, en son deuxième alinéa, que :
« Les actions qui ont pour objet de contester les décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants, dans un délai de deux mois à compter de la notification desdites décisions qui leur est faite à la diligence du syndic, dans un délai de deux mois à compter de la tenue de l'assemblée générale. Sauf en cas d'urgence, l'exécution par le syndic des travaux décidés par l'assemblée générale en application des articles 25 et 26 est suspendue jusqu'à l'expiration du délai mentionné à la première phrase du présent alinéa. »
Il en résulte les conditions d’action suivantes :
- - L’action est ouverte aux copropriétaires opposants ou défaillants,
- - L’action doit, à peine de déchéance, être introduite dans un délai de deux mois à compter de la notification desdites décisions qui leur est faite à la diligence du syndic, dans un délai de deux mois à compter de la tenue de l'assemblée générale.
Une troisième condition est induite : celle de l’existence d’une décision à contester.
Il ne s’agit pas ici de se prononcer sur la validité de la décision mais bien sur son existence laquelle implique que la résolution contestée ait été inscrite à l’ordre du jour de l’assemblée générale des copropriétaires, valablement notifié.
C’est ainsi qu’à côté de l’article 42, la Cour de cassation dans cet arrêt du 8 septembre 2016, vise l’article 13 du décret du 17 mars 1967 lequel dispose que « L'assemblée générale ne prend de décision valide que sur les questions inscrites à l'ordre du jour et dans la mesure où les notifications ont été faites conformément aux dispositions des articles 9 à 11-I. »
La Cour d’appel de PARIS le sait pour avoir déjà statué en ce sens :« en l'absence de vote sur la question inscrite à l'ordre du jour, il n'y a pas de décision dont la cour puisse envisager l'annulation en application de l'article 42 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965. (CA Paris, 23ème Chambre, Section B, 11 oct. 2001, n° 2000/16898)
L’existence d’une décision d'assemblée générale résulte non seulement de son inscription à l’ordre du jour mais également de la notification régulière de la convocation à cette assemblée générale.
La Cour d’appel de PARIS, dans un arrêt du 16 mars 2005 (Chambre 19, section B, n°° 03/00412), avait ainsi jugé, dans un cas pour le moins similaire, que :
« Une convocation irrégulière de l'assemblée générale des copropriétaires entraîne la nullité de celle-ci. Il en est de même en l'absence de notification régulière de l'ordre du jour. Peu importe que la feuille de présence de l'assemblée générale porte l'émargement du représentant de la société civile immobilière copropriétaire et que le procès-verbal mentionne que la résolution a été adoptée à l'unanimité, puisque l'assemblée générale ne pouvait valablement délibérer sur une telle résolution.
L'article 42, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965 n'est pas applicable à une résolution réputée inexistante faute de convocation ou de notification régulière de l'ordre du jour. »
La décision contestée – non inscrite / non valablement « notifiée » - n’existant pas, il ne peut être opposé aux copropriétaires un défaut de qualité à agir.
La Cour d’appel de PARIS a semble-t-il omis sa jurisprudence passée, que la Cour de cassation n’aura pas manqué de lui rappeler ici.
Une vérification préalable qui a pour mérite de protéger les copropriétaires absents mais représentés qui, comme en l’espèce, auraient pu être engagés par un vote passé en leur absence, sans pour autant qu’ils aient eu connaissance de la résolution en amont.
Le mandat a en effet ceci de « dangereux » que le mandataire d'un copropriétaire l'engage par son vote à l'assemblée générale, quand bien même celui-ci ne respecte pas les consignes de vote données par son mandant.
En l’espèce le pouvoir avait été donné en blanc. Cela étant si la convocation ne prévoyait aucune résolution engageante, on peut imaginer que les copropriétaires ne se soient pas considérés plus impliqués que cela par le sens des votes au moment où ils ont donné leur pouvoir…
Article rédigé par Maître Elodie DUMONT